Notre mission est ancrée dans l'excellence académique, l'intégrité, l'éthique et l'engagement communautaire. Nous voulons que nos étudiants comprennent l'importance de la responsabilité sociale et de la citoyenneté active.
Notre vision est de devenir le fer de lance de l'éducation et de la recherche en Haïti, en formant la prochaine génération de décideurs, de chercheurs et de citoyens engagés qui contribueront au développement durable de notre pays.
Notre Objectif
S'engager à offrir des programmes éducatifs de la plus haute qualité, à encourager la recherche pertinente dans nos domaines d'expertise, à promouvoir l'engagement communautaire, à collaborer avec d'autres institutions.

Conformément aux Décrets du 16 janvier 2020, portant sur « organisation, fonctionnement et modernisation de l'enseignement supérieur » et sur « organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (ANESRS) », il jouit de l'autonomie pédagogique et scientifique et il est doté de la personnalité morale.
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Haïti : Vers une sortie de crise par le dialogue avec les gangs armés ? L’IGGEP ouvre le débat
Le samedi 2 août 2025, le Département de Science Politique et des Relations Internationales de l’Institut de Gestion, de Gouvernance et d’Études Politiques (IGGEP) a organisé une conférence de haut niveau autour du thème : « La négociation avec les gangs armés en Haïti : tabou, nécessité ou stratégie de sortie de crise ? » Animée par le Dr. Roland Joseph, spécialiste en Sciences Politiques « nonkilling », en études de la paix et des conflits, et professeur à l'IGGEP, la conférence a réuni plusieurs intervenants de renom issus des milieux universitaires et intellectuels haïtiens, tant en Haïti que dans la diaspora. Un dialogue, mais pas une négociation : une distinction fondamentale Le premier intervenant, Dr. Richard Jacob Pierre, Docteur en philosophie politique, en philosophie du droit et de la gouvernance, a soutenu avec fermeté l’idée d’un dialogue stratégique avec les gangs armés — tout en rejetant celle d’une négociation formelle, qui selon lui risquerait de légitimer leur statut de force politique ou militaire. Il a appelé à un effort de compréhension : « Il faut chercher la vérité, identifier la racine du problème », a-t-il déclaré, soulignant que l'État haïtien apparaît impuissant face à la montée des groupes armés qui occupent désormais une place centrale dans les dynamiques sociales et politiques. Pour le Dr. Pierre, dans une société qui se veut démocratique et libérale, le dialogue est un outil de connaissance et non de compromission : « Même avec des bandits, il faut chercher à savoir ce qui est vrai », a-t-il insisté. Ce dialogue, selon lui, ne vise pas à négocier des privilèges, mais à comprendre les motivations, les réseaux et les discours qui nourrissent l'emprise des gangs sur certains territoires. Enfin, il a mis en lumière un obstacle majeur : les profondes divisions internes au sein de l’appareil d’État. Ces fractures minent la capacité des forces de sécurité à agir efficacement et entretiennent une forme de paralysie politique, rendant toute solution durable difficile à mettre en œuvre. Le chaos ou le dialogue : un dilemme national Pour le Dr. Deus Deronneth, docteur en Sciences Économiques et Président du Conseil d’Administration de l’IGGEP, la question de l’insécurité liée aux gangs ne constitue pas seulement une urgence sécuritaire, mais bien le cœur battant de la crise haïtienne actuelle. Dans un contexte où la population vit dans une peur quasi permanente, il constate que les préoccupations économiques et sociales — comme le chômage, la faim, la pauvreté extrême ou l’effondrement des services publics — passent au second plan. Le contrôle de la terreur s’est substitué à celui de la gouvernance. Dr. Deronneth met en lumière les liens troubles entre certains groupes criminels, comme Viv Ansanm, et des secteurs influents de l’appareil politique, administratif ou économique. Cette complicité tacite, voire active, a selon lui nourri la montée en puissance des gangs. D'où une question incontournable : faut-il dialoguer pour sortir du chaos, ou refuser toute forme de compromis avec des acteurs violents ? À ses yeux, continuer de nier cette réalité ne fait qu’approfondir l’effondrement de l’autorité publique. Le territoire national est désormais fragmenté entre zones sous contrôle étatique et zones sous domination armée. Dans ce contexte, il plaide pour une démarche de dialogue transitoire — non comme une fin en soi, mais comme un levier politique en vue de restaurer un minimum de stabilité et de relancer le processus démocratique. S’inspirant d’exemples internationaux, il évoque la possibilité d’une médiation nationale inclusive, pilotée par des institutions crédibles telles que l’Église, les universités ou encore les Nations unies. Il reconnaît néanmoins que cette stratégie est loin d’être neutre : elle pose d’importants dilemmes éthiques et politiques, entre légitimation des criminels et nécessité de sauver ce qui peut encore l’être de la République. Une position ferme contre toute illusion Joël Léon, PDG et rédacteur en chef de Boukan News, adopte une posture de vigilance rigoureuse face aux discours conciliants envers les gangs armés. Selon lui, le thème même de la conférence illustre un constat alarmant : l’effondrement de l’État haïtien. Il affirme que rien ne prouve, à ce jour, que les autorités actuelles disposent de la volonté politique ou de la capacité institutionnelle nécessaires pour neutraliser les groupes armés qui terrorisent la population. Dans ce contexte de paralysie sécuritaire, Joël Léon plaide pour un gouvernement de transition à mandat limité, centré exclusivement sur la restauration de l’ordre public. Il alerte sur le risque moral que comporte la banalisation de l’idée de négociation avec des groupes criminels : cela pourrait brouiller les repères éthiques, notamment pour la jeunesse, et renforcer l’impunité comme norme. S’il ne rejette pas entièrement l’éventualité d’un dialogue, il insiste sur la nécessité de balises strictes. À ses yeux, toute ouverture doit être précédée de gestes concrets : la libération immédiate et durable du Grand Sud et l’arrêt systématique des actes de prédation contre les populations civiles. Il admet que cette position s’inscrit dans une tension douloureuse entre justice pour les victimes et réalités stratégiques, tout en rappelant que certaines organisations internationales favorisent une approche pragmatique fondée sur le dialogue. Une conférence marquante, malgré quelques limites techniques Cette conférence a réuni de nombreux intellectuels haïtiens venus de différentes régions du pays ainsi que de la diaspora. L'intérêt du public était manifeste : la richesse des interventions et la profondeur des analyses ont suscité des échanges nourris, salués par l’ensemble des participants. Cependant, en dépit de la qualité générale des présentations, un contretemps technique a empêché l'intervention prévue du journaliste et analyste politique Lemoine Bonneau, dont l’apport était très attendu. Cette absence a mis en lumière les défis logistiques propres aux événements hybrides ou entièrement virtuels, tout en soulignant l’importance d’un accompagnement technique rigoureux pour les prochaines éditions. Il convient également de souligner le soutien précieux d’Edens Desbas, animateur de l’émission Haïtidabord, et de Boukan News, qui ont contribué à la réussite et à la visibilité de cette initiative. Le Dr. Roland Joseph a clôturé l’événement en remerciant chaleureusement les panélistes et les participants pour leur engagement et la pertinence de leurs interventions. Il a encouragé chacun à rester connecté à l’Institut de Gestion, de Gouvernance et d’Études Politiques (IGGEP), annonçant que d’autres conférences suivront sur ce thème vital pour l’avenir d’Haïti.
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Clôture à l’IGGEP d’un séminaire sur la science politique « nonkilling » : une voie nouvelle pour la paix durable en Haïti.
Par Jonathan Méus, Jacmel, 19 Juillet 2025 - L'Institut de Gestion, de Gouvernance et des Études Politiques (IGGEP), en partenariat avec le Center for Global Nonkilling (CGNK), a clôturé ce samedi un séminaire inédit autour de la science politique nonkilling, de la paix et de la non-violence. Cette formation, articulée en trois sessions intensives, a réuni plusieurs dizaines d’étudiantes et d’étudiants venus de différentes régions du pays, notamment du Sud, de l’Ouest, du Nord et du Sud-Est. Elle a également mobilisé des chercheurs et des leaders communautaires intéressés par des approches alternatives en gouvernance et en transformation sociale. La cérémonie de clôture s’est déroulée en présence de personnalités de renom, telles que le Dr Bill (Balwant) Bhaneja, ancien diplomate canadien et promoteur du paradigme du nonkilling ; le professeur Dr Gracien Jean, ministre délégué chargé des questions électorales et constitutionnelles ; la Dre Katyayani Singh, secrétaire générale du CGNK et professeure des universités ; la Dre Kim Thompson, PDG d’Equity Bank Bahamas Limited ; ainsi que le Dr Deus Deronneth, président du conseil d'administration de l’IGGEP. Dans son allocution, le Dr Bhaneja a retracé l’héritage de la pensée politique classique, en rappelant que « depuis l’Antiquité gréco-romaine jusqu’aux penseurs modernes comme Hobbes ou Weber, la violence a été acceptée comme instrument légitime du pouvoir ». Il a plaidé pour une refondation éthique de la discipline : « La science politique du XXIe siècle doit reposer sur la reconnaissance du droit à la vie comme principe fondamental, même avant la démocratie. Le nonkilling n’est pas une utopie : c’est une nécessité. » Le ministre Gracien Jean a, de son côté, salué cette initiative innovante qui ouvre la voie à une politique fondée non pas sur la confrontation ou l’exclusion, mais sur la coexistence pacifique et le respect de la vie. « Une politique non-killing, c’est une politique de vie, de dialogue et de justice », a-t-il affirmé. Le Dr Roland Joseph, professeur à temps partiel à l’IGGEP, initiateur et principal formateur du séminaire, a insisté sur l’urgence d’un changement de paradigme. Selon lui, la crise actuelle en Haïti est le produit d’une culture politique marquée par la légitimation de la violence depuis plus de deux siècles. « La violence des groupes armés que nous subissons aujourd’hui est l’expression d’une violence structurelle plus ancienne, institutionnalisée dans les fondements mêmes de notre système politique. Le paradigme nonkilling offre une véritable alternative pour sortir le pays de cette spirale. Il est impératif de multiplier ce type de formation dans tous les secteurs de la société pour transformer durablement Haïti. » Le Dr Deus Deronneth a réaffirmé, pour sa part, sa volonté de faire de l’IGGEP un espace de référence pour la formation en science politique nonkilling, plaçant la vie humaine — et en particulier celle de chaque citoyen haïtien — au cœur des décisions publiques. Dans la foulée de cette initiative, une nouvelle structure académique a vu le jour : le Centre Caribéen pour le Nonkilling, la Paix et les Études sur les Conflits (CNPCS). Ce centre, rattaché à l’IGGEP, a pour vocation de promouvoir les valeurs du nonkilling, de la non-violence et de la paix, par la recherche, la formation et l’engagement citoyen. De nombreux étudiants y sont déjà impliqués, sous la direction du Dr Roland Joseph, fondateur et directeur exécutif du CNPCS.
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Manuscrit de la conférence prononcée par le Dr Bill (Balwant) Bhaneja, ancien diplomate canadien, lors de la séance finale du séminaire sur la science politique nonkilling, la paix et la non-violence, organisé par le Center for Global Nonkilling (CGNK) et le Département de science politique et des relations internationales de l’Institut de Gestion, de Gouvernance et d’Études Politiques (IGGEP) en Haïti.
Je tiens à remercier chaleureusement le Dr Roland Joseph pour l’organisation de ce séminaire. J’adresse également mes remerciements au Dr Deus Deronneth, président de l’Institut de Gestion, de Gouvernance et d’Études Politiques (IGGEP), ainsi qu’au Professeur Dr. Gracien Jean pour son soutien précieux à cette initiative. C’est un grand honneur pour moi d’avoir été invité à m’adresser à un public aussi distingué ! Les institutions éducatives jouent un rôle fondamental dans une société démocratique et engagée. Au-delà de leur mission de formation professionnelle adaptée aux exigences d’une économie moderne, elles ont aussi la responsabilité de développer et d’élargir les compétences intellectuelles de leurs diplômés, afin qu’ils soient capables de faire des choix éthiques. Le développement de l’esprit critique chez les individus est essentiel pour évaluer et comprendre le monde complexe dans lequel nous vivons — un monde confronté à de grands défis comme la pauvreté, la croissance, la préservation de l’environnement et la résolution des conflits. Qu’est-ce que la paix ? Toute ma vie, je suis passé d’une définition de la paix à une autre. Aujourd’hui, je la décris en trois mots simples : « No more killing », « Plus de meurtre », une définition que j’ai adoptée grâce au professeur Glenn D. Paige. Le non-meurtre, ou non-killing, est ma nouvelle compréhension de la paix, car cela révèle que la violence prend racine dans l’acte de tuer. Ce n’est que lorsque le meurtre cesse que les graines d’une paix véritable peuvent commencer à germer. La paix est une notion vaste, un grand chapiteau, et elle a toujours été difficile à définir. Les dirigeants politiques du monde entier ont souvent utilisé le mot paix tout en menant des politiques militaristes, allant jusqu’à larguer des bombes — y compris la bombe atomique — au nom de la paix (par exemple : Hitler, Staline, Bush). Il existe également une autre définition de la paix, souvent évoquée par des personnes d’inspiration spirituelle ou religieuse : la paix intérieure. Il s’agit de la recherche d’un apaisement en soi. Ce type de paix est essentiel, car il peut mener à la confiance en soi. Elle aide à se motiver et à trouver le courage d’entreprendre des tâches difficiles. Mais lorsque nous cherchons à bâtir des infrastructures de paix, une telle définition ne suffit pas ; il faut quelque chose de plus concret. La paix non-meurtrière (nonkilling peace) apporte cette clarté qui manque aux deux définitions précédentes. Son objectif est sans ambiguïté : il s’agit d’une paix visant à éliminer les meurtres sans tuer personne. Glenn D. Paige définit une société nonkilling comme suit (Paige, 2007 : 1) : « Une communauté humaine – de la plus petite à la plus grande, du local au global – caractérisée par l’absence de meurtre, et de menaces de tuer ; sans armes conçues pour tuer des êtres humains et sans justification pour les utiliser ; et sans conditions sociales dépendantes de la menace ou de l’usage de la force létale pour assurer le maintien ou le changement. » Une société non meurtrière (non-killing) est-elle possible ? Certains répondent « Non », affirmant que le meurtre est inévitable en raison de la nature humaine violente, de la compétition pour des ressources limitées et d’autres facteurs. Cependant, en 2002, un « Oui » retentissant a été proclamé dans le livre Nonkilling Global Political Science du politologue Glenn D. Paige, qui soutient que sa vision n’est pas une utopie. Le professeur Glenn Durland Paige, intellectuel américain et ancien soldat ayant combattu pendant la guerre de Corée dans les années 1950, s’est éveillé à l’idée de « No more killing » (« Plus de meurtre ») en 1974. Son exploration des capacités humaines au nonkilling l’a conduit dans plusieurs pays : Inde, Pakistan, Chine, Russie, Corée divisée, Japon, Jordanie, Colombie, Philippines, entre autres. Il s’est également inspiré de la tradition non violente américaine, allant de Henry David Thoreau et Walt Whitman à Martin Luther King Jr. Une partie de son parcours intellectuel est relatée dans son ouvrage de 1993 intitulé *To Nonviolent Political Science : From Seasons of Violence*. C’est lui qui a introduit le terme « Nonkilling » dans la langue anglaise, dans le cadre de son traité Nonkilling Global Political Science, aujourd’hui traduit et publié dans plus de 30 langues. Paix, non-violence et nonkilling La pensée éclairée de Glenn D. Paige se reflète dans la distinction fine qu’il établit entre paix, non-violence et nonkilling, insistant sur le fait que ces termes ne sont pas interchangeables. Il écrit : « Bien qu’il soit utile, pour favoriser l’acceptation du terme peu familier de “nonkilling” et susciter la coopération, de l’associer indépendamment aux notions de paix et de non-violence, à mes yeux, ces trois concepts ne sont pas interchangeables. Permettez-moi de m’expliquer : Le nonkilling contribuera certainement à la non-violence et à la paix. Mais la non-violence et la paix ne conduisent pas nécessairement au nonkilling. Le nonkilling est, sur les plans empirique et logique, un préalable : on ne peut œuvrer à la paix, à la non-violence ou à quoi que ce soit d’autre si l’on est tué. Par exemple, certains dirigeants gandhiens contemporains, pourtant partisans de la non-violence, ont soutenu les programmes d’armement nucléaire de l’Inde, la peine de mort, ou encore certaines guerres. Des responsables américains ont parlé de non-violence comme complément aux actions militaires en Afghanistan, en Irak, etc. Comme vous le savez peut-être, “La paix est notre mission” est la devise du Commandement stratégique nucléaire des États-Unis. Des guerres sont menées au nom de la paix, et les vétérans ayant tué sont honorés aux États-Unis. Paige conclut : « Je préfère me concentrer au moins sur l’acte délibéré (italiques de l’auteur) de tuer un être humain par un autre. Si d’autres souhaitent étendre le concept de nonkilling à tout ce qui existe dans l’univers, c’est parfaitement louable et admirable — mais cela ne doit pas être un préalable à l’affrontement direct de la question centrale : mettre fin à l’acte de tuer des êtres humains par d’autres êtres humains, que ce soit dans le cadre de l’homicide, du crime, du terrorisme ou de la guerre. » La non-violence nous aide à trouver notre moi profond, ou à entrer dans une réflexion philosophique, spirituelle ou méditative. Elle est tournée vers l’intériorité, orientée sur soi : il s’agit d’une quête spirituelle intérieure visant à ne causer aucune blessure en pensée, en paroles ou en actes. La désobéissance civile (satyagraha) est une manière de tester sa volonté, son éthique et sa moralité. Le nonkilling, quant à lui, est explicitement orienté vers l’action en faveur du bien commun, en prévenant tout acte de blessure ou de meurtre envers soi-même, autrui ou des groupes. Le Nonkilling : une réponse urgente et concrète à la violence Le nonkilling vise des actions concrètes et urgentes pour prévenir la violence, tant autour de nous qu’en nous-mêmes. Notre existence — de A à Z — est définie par la vie. De la naissance à la mort naturelle, aucune activité humaine ne peut être menée si l’on est tué. Sans la vie, aucun des grands problèmes de notre époque — guerres, pauvreté, crise environnementale — ne peut être résolu. Le Principe 13 de la Charte des Lauréats du Prix Nobel pour un monde sans violence appelle chacun à : « Œuvrer ensemble pour un monde juste, sans tuer, dans lequel chacun a le droit de ne pas être tué et la responsabilité de ne pas tuer autrui. » Dans sa conception du Nonkilling, Glenn D. Paige exprime une préférence claire : « Me concentrer, au minimum, sur l’acte délibéré (italiques de l’auteur) de tuer un être humain par un autre. Si d’autres souhaitent étendre le concept de nonkilling à tout ce qui existe dans l’univers, c’est parfaitement acceptable et admirable — mais cela ne doit pas constituer un prétexte pour éviter d’affronter directement le défi d’éliminer les meurtres entre humains, qu’il s’agisse d’homicides, de crimes, de terrorisme ou de guerre. » Un obstacle majeur au nonkilling est le mythe selon lequel les êtres humains seraient naturellement violents, porteurs d’un instinct animal meurtrier. Pourtant, les travaux de Paige montrent que moins de 5 % de la population mondiale a déjà tué un autre être humain dans un contexte de combat, et que dans la plupart des sociétés, moins de 1 % des individus ont tué quelqu’un au cours de leur vie. Un bon exercice consiste à examiner le nombre d’homicides commis chaque année dans votre ville natale, à le comparer à la population totale, puis à calculer le pourcentage : vous constaterez la validité empirique du paradigme du nonkilling : la majorité des êtres humains ne sont pas des tueurs. Cela dit, certaines personnes peuvent tuer de manière répétée, sans remords, voire avec plaisir. On en trouve des exemples dans les recherches sur Internet (par exemple : liste mondiale des tueurs en série). Une explication neurologique de ce phénomène est présentée dans les recherches en neuro-imagerie du criminologue Adrian Raine, dans son ouvrage The Anatomy of Violence: The Biological Roots of Crime (2013). Raine reste toutefois optimiste quant à la possibilité de prévenir ou guérir ce type de dysfonctionnement cérébral. Le rapport de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) sur la violence et la santé, publié en 2002, a conclu que : « La violence est une maladie évitable. » Cette conclusion rejoint celle de Glenn D. Paige dans son livre Nonkilling Global Political Science, publié la même année, mais de façon indépendante. Ces deux ouvrages posent une même série de questions fondamentales : • Comment prévenir la violence dirigée contre soi-même, contre autrui et à l’échelle collective ? • Comment éliminer ou réduire la létalité des suicides, des homicides et des conflits armés ? Les deux auteurs insistent sur la nécessité de processus systémiques pour traiter ces trois formes de violence, avec une analyse rigoureuse de l’anatomie du meurtre et des moyens de guérison. Leur objectif commun est de mettre en place des indicateurs mesurables pour quantifier les vies sauvées. Structures et processus du Nonkilling Le Center for Global Nonkilling, une ONG accréditée auprès des Nations Unies, fondée en 2007, poursuit une mission à la fois inspirante pour les individus et transformatrice pour les sociétés : « Promouvoir le changement vers un monde sans tuer, mesurable, par des moyens ouverts à l’infinie créativité humaine, dans le respect de la vie. » Le centre s’appuie sur une approche scientifique fondée sur des preuves pour analyser les problèmes de la violence. Cela implique de mobiliser, faire progresser et combiner les dimensions spirituelle, scientifique, technique et artistique de l’humanité au service du changement. Son site web affiche fièrement cette devise : « Le nonkilling est la mesure du progrès humain. » http://www.nonkilling.org Depuis l’Antiquité gréco-romaine jusqu’aux penseurs modernes comme Hobbes et Weber, la théorie politique a peu évolué sur un point : la justification de la violence comme outil de gouvernement. La maxime du « pouvoir par la force » et la pensée machiavélienne selon laquelle la fin justifie les moyens dominent encore de nombreuses doctrines. Or, au XXIe siècle, à l’ère des savoirs nouveaux et des technologies avancées, il est temps d’abandonner cette vision dépassée du « pouvoir sur » les autres, au profit du « pouvoir de » transformer la société par les citoyens. La science politique doit désormais reconnaître le droit à la vie comme valeur première, même avant la démocratie. Des tentatives de rupture avec cette tradition ont émergé au siècle dernier grâce à des penseurs et activistes comme Tolstoï, Gandhi, Mandela ou Martin Luther King Jr. Par leur engagement non-violent, ils ont permis des avancées notables vers un monde plus équitable, accéléré la décolonisation, et inspiré de nouvelles approches politiques incarnées par des intellectuels comme Gene Sharp, Johan Galtung et Glenn D. Paige. Ce dernier a démontré que moins de 1 % des humains ont déjà tué quelqu’un. Si l’humanité entière s’était entre-tuée à travers les millénaires, notre espèce aurait disparu depuis longtemps (cf. Richard Sponsel). Le leadership nonkilling ne consiste pas à démontrer une force militaire, mais à prévenir ou mettre fin à la violence et aux tueries grâce à des stratégies orientées vers une paix universelle sans tuerie. Il s’agit d’imaginer un nouvel ordre mondial, fondé sur des valeurs humaines universelles et une éthique du non-killing qui nous rassemble au lieu de nous diviser. Empathie, compassion, humanité partagée et refus de tuer en sont les piliers. Comment faire? Pour comprendre la violence humaine, il faut en analyser les causes et effets, aussi complexes et interdépendants soient-ils. Glenn D. Paige propose une logique en quatre volets dans le cadre d’un paradigme scientifique du nonkilling : 1. Quelles sont les causes du meurtre ? 2. Quelles sont les causes du non-killing ? 3. Qu’est-ce qui provoque la transition de l’un à l’autre ? 4. Quelles sont les caractéristiques des sociétés totalement exemptes de tuerie ? Vers des politiques publiques du nonkilling Certains indices positifs existent déjà à l’échelle mondiale : • 27 pays ne possèdent pas d’armée ; • 95 pays ont aboli la peine de mort ; • 47 pays reconnaissent le droit à l’objection de conscience au service militaire. Dès 1949, le Costa Rica fut le premier pays à abolir ses forces armées, réallouant leur budget à l’éducation et à la formation des enseignants. Aujourd’hui encore, seule une garde civile est maintenue. Au XXIe siècle, plusieurs pays ont mis en place des ministères ou départements de la paix : • En 2009, le Costa Rica crée un Ministère de la Paix et de la Justice ; • En 2008, le Népal fonde un Ministère de la Paix et de la Reconstruction, avec un budget de 150 millions de dollars ; • En 2006, les Îles Salomon établissent un Département de la Paix. Des initiatives similaires émergent aussi : • En Catalogne (Espagne) avec un Département de la Paix ; • Aux Philippines, un Bureau du Conseiller présidentiel pour le processus de paix fonctionne depuis plusieurs années ; • En Afrique, des démarches sont en cours notamment au Soudan du Sud et au Rwanda. Enfin, sur le plan mondial, l’ONU dispose d’une force de maintien de la paix, mais de nombreuses infrastructures nationales et internationales manquent encore d’une force civile spécialisée, formée à la prévention, à la médiation et à la réconciliation. Sept fondements pour une société mondiale nonkilling Pour résumer la thèse de Glenn D. Paige, la possibilité d’une société mondiale nonkilling repose sur sept fondements : 1. La majorité des êtres humains ne tuent pas. 2. Un puissant potentiel non-killing réside dans l’héritage spirituel de l’humanité. 3. La science démontre et prévoit des capacités humaines nonkilling. 4. Des politiques publiques de transition vers le nonkilling, telles que l’abolition de la peine de mort et la reconnaissance de l’objection de conscience au service militaire, ont été adoptées même par des États-nations nés de la violence. 5. Diverses institutions sociales fondées sur des principes nonkilling existent déjà, montrant qu’en les combinant, elles peuvent offrir l’équivalent fonctionnel d’une société nonkilling. Les luttes populaires non violentes pour des changements politiques et socioéconomiques témoignent d’alternatives puissantes à la violence révolutionnaire. 6. Les racines de l’inspiration nonkilling peuvent être découvertes dans les traditions historiques du monde entier. 7. En fin de compte, la promesse d’une transition vers le nonkilling repose sur les exemples d’hommes et de femmes – célèbres ou anonymes – dont la vie courageuse témoigne de la faisabilité de cet idéal. La prévention de la violence, à l’échelle locale, nationale, régionale et mondiale, doit être une priorité de toute gouvernance. Cela inclut une meilleure information sur la violence auto-infligée et la violence collective. Le progrès vers une société nonkilling dépend de la capacité des États à construire, accepter et diffuser une éthique globale du nonkilling, et à éduquer le public à ce sujet. Il s’agit notamment de sensibiliser les citoyens à la chaîne des causes menant au meurtre et aux moyens d’inverser cette dynamique (Paige, p. 74-75). Recherche, éducation et formation comme outils d’action Depuis plus de dix ans, le Center for Global Nonkilling (CGNK) œuvre à la mobilisation d’une expertise mondiale au sein d’une plateforme de la société civile nonkilling. Celle-ci réunit aujourd’hui 700 chercheurs de 300 universités réparties dans 73 pays, répartis dans 19 comités de recherche. Les publications du CGNK ainsi que des informations sur les comités de recherche et les membres sont accessibles sur le site : www.nonkilling.org. La plupart des ouvrages et rapports sont en accès libre et représentent une ressource précieuse pour la recherche, l’enseignement et la formation. Le CGNK est également membre précurseur de l’Alliance pour la prévention de la violence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui regroupe plus de 40 membres, principalement issus de milieux gouvernementaux et non gouvernementaux dans le domaine de la santé publique. Ensemble, ils examinent les moyens de traiter les trois formes de violence évoquées précédemment. Le professeur Maorong Jiang, directeur du Consortium asiatique pour une société nonkilling à l’Université de Creighton (Nebraska, États-Unis), souligne l’ampleur du problème : « Nous avons une pathologie cardiaque massive, mais nous ne traitons qu’une éruption cutanée. » Bien que l’homicide, le suicide et la guerre figurent parmi les dix premières causes de mortalité, les décès liés à la guerre (20 %) sont moins nombreux que ceux liés à l’homicide (30 %) ou au suicide (50 %). Pourtant, les budgets gouvernementaux mondiaux reflètent une répartition inversée : la majeure partie des ressources est allouée à la sécurité militaire, alors que les moyens consacrés à la prévention des violences interpersonnelles ou auto-infligées sont dérisoires. L’accès à des données mondiales fiables permettrait pourtant de développer de nouvelles méthodes de prévention plus efficaces. Que pouvons-nous en conclure ? Premièrement, les êtres humains ne sont pas des tueurs par nature. Nous pouvons être agressifs, mais nous ne sommes pas fondamentalement des meurtriers. Une société non-killing est donc possible. Deuxièmement, il existe un véritable problème empirique à résoudre. Les ressources destinées à la sécurité sont massivement orientées vers les interventions militaires et la guerre. Il est urgent de légiférer et de mettre en place des politiques, des programmes et des institutions alternatives à tous les niveaux, gouvernementaux et non gouvernementaux, pour prévenir la violence. Ce n’est que lorsque ces dispositifs nationaux seront établis qu’un système mondial de suivi et de soutien pourra être réellement efficace. Conclusion Pour conclure, la transition vers une société non-killing n’est pas un rêve impossible. Au CGNK, nous sommes passés en une décennie du livre de Paige à la recherche, puis à l’éducation, et enfin au plaidoyer pour un changement global nonkilling. Le centre a obtenu le statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC) pour la période 2014-2018. Parmi les premières actions, des résolutions ont été présentées, notamment celle visant à inclure le Principe 13 de la Charte des lauréats du Prix Nobel de la Paix pour un monde sans violence, qui proclame le droit individuel de ne pas tuer et de ne pas être tué, dans l’Agenda de développement post-2015 de l’ONU. Des déclarations ont également été soumises au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et à la Commission de la condition de la femme. Des efforts similaires sont nécessaires aux niveaux national et sociétal afin de former des partenariats efficaces à l’échelle mondiale. Ces groupes pourraient faire pression pour une législation invitant toutes les institutions publiques et civiles à élaborer des plans d’action et des indicateurs pour comptabiliser les homicides et agir en prévention. Il est temps que la compréhension des causes de la violence physique et des solutions nonkilling devienne un impératif du XXIe siècle. Reste désormais à définir les moyens d’y parvenir à grande échelle. La thèse des capacités humaines nonkilling constitue un véritable défi pour encourager la coopération interdisciplinaire au sein des institutions éducatives et des universités, et favoriser ainsi un changement local, national et régional vers un monde sans tuerie, fondé sur la non-violence, la justice et la paix. Je remercie chaleureusement le Dr Roland Joseph pour son invitation à prendre la parole cet après-midi et partager cette inspiration nonkilling dans la poursuite de votre travail pour la paix et la reconstruction en Haïti. Et surtout, je vous remercie, vous tous, pour votre présence et votre écoute attentive. « Le leadership nonkilling repose sur la compétence et la capacité à prévenir la violence et à mettre fin aux tueries, avec pour objectif stratégique l’instauration d’une paix mesurable sans tuerie. Un nouvel ordre mondial fondé sur des valeurs humaines universelles et une éthique du nonkilling a le potentiel de nous unir. » – Glenn D. Paige « No more killing. (Plus de meurtre )! Merci! Bill (Balwant) Bhaneja, Ph.D.
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